Published 20 août 2025 Commentaires 0 Commentaire Par Eric Mabille Tags BelgiqueCID Grand HornuDesignDesign belgeEscapadesHornuLucile Souffletmobilier urbain Lucile Soufflet : le banc, seuil d’horizons partagés au CID, Grand-Hornu Le CID – Centre d’innovation et de design – au Grand-Hornu accueille ‘Common Grounds’, la première exposition monographique consacrée à Lucile Soufflet. Une occasion unique d’explorer la vision sensible de cette designeuse belge, jusqu’au 24 août 2025. Avez-vous déjà pris le temps de vous asseoir sur un banc de ville et de regarder la ville se déployer autour de vous ? Dans ce simple geste, la rue cesse d’être un passage pour devenir un théâtre de présences, un espace de contemplation et d’échanges. C’est à cette expérience intime que Lucile Soufflet nous convie : ses bancs, lignes horizontales étirées comme des horizons, deviennent des seuils d’ouverture, des invitations à la rencontre. Dépouillées de leur seule fonction utilitaire, ses assises se révèlent médiatrices de liens, lieux où le quotidien se mue en partage, où le corps et la cité trouvent un terrain commun. Ces formes familières Au fil du parcours, le visiteur retrouve des formes qui lui sont étrangement familières, comme des silhouettes croisées au détour d’une rue bruxelloise ou sous les frondaisons d’un parc. Le Banc Circulaire, qui enlace un arbre, ou le Soft Bench, incliné comme un geste hésitant, réinventent l’art de s’asseoir et de s’approprier l’espace urbain. Ces pièces, à la fois simples et singulières, déplacent les archétypes du mobilier, ouvrant la ville à de nouveaux usages. À leurs côtés, les expérimentations plus intimes et personnelles de Lucile Soufflet — designs de verre et de faïence dévoilent une autre dimension de son travail, plus fragile, presque chuchotée. Un travail épuré qui nous laisse entrevoir la genèse de son imaginaire Une exposition paysage Cette rétrospective, initiée par le CID avec le soutien de la Province de Hainaut et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, trouve en Marie Pok un commissariat attentif, qui entre en résonance avec la liberté scénographique de l’artiste. Lucile Soufflet imagine l’exposition comme une topographie onirique : ses œuvres se déploient sur des plateformes inclinées, formant un relief abstrait qui évoque une cartographie de la ville rêvée. L’espace d’exposition devient paysage, oscillant entre sobriété et poésie, un territoire suspendu où l’usage se métamorphose en contemplation. De l’urbain à l’intime Deux mouvements structurent l’exposition et dialoguent dans une belle complémentarité. Le premier, ample comme une esquisse urbaine, déploie bancs et assises monumentales, un orchestre de chaises qui, tantôt solitaires, tantôt réunies en cercles ou en lignes, composent des îlots de convivialité. Le second ensemble, plus intime, ouvre la porte de l’atelier : maquettes, échantillons, dessins, traces de matière. Ici, le geste se fait plus délicat, révélant la rigueur et la sensibilité qui nourrissent la création. Entre monumentalité publique et fragilité intime, entre ville et atelier, se dessine un même fil conducteur : celui d’une recherche obstinée de l’espace commun, où l’objet devient médiateur entre soi, les autres et le monde. Déambulation au fil de l’exposition La ville en pause, écho du paysage Plus qu’un simple banc, le Circular Bench – Banc circulaire et sa structure tissée de faisceaux de métal, s’élance et rampe avec une grâce fluide pour venir enclaver un arbre dans un geste protecteur. Son dossier module une vague, et permet à chacun, selon la place choisie, de se fondre dans le tumulte de la ville ou de s’en extraire en s’abritant au cœur du cercle. Cette première réalisation – signature de Lucile Soufflet a vu le jour en 2003 sur la place de la Vieille Halle aux Blés à Bruxelles. Puisant sa force dans une invitation au repos, le Soft Bench déploie sa silhouette linéaire en métal laqué, dont la forme sinueuse et déclinée sur sa moitié invite le passant à s’allonger. Bulle de tranquillité, lieu d’évasion en plein air, le Soft Bench souligne le paysage, transformant un simple lieu de passage en un espace de contemplation. Presque musical, mariage de lames de bois et d’une structure en métal, tel un xylophone circulaire, le Zitt apporte une impression de mouvement et de fluidité. Dans une légère torsion, telle une vague suspendue à la surface de l’eau, il dialogue avec le canal d’Anderlecht avoisinant, lieu pour lequel il a été conçu. Puisant son inspiration dans l’idée d’abri, Furniture with a Roof se déploie sur les places bruxelloises comme un refuge discret. Cet ensemble de mobilier, où le solide de l’acier s’harmonise à la douceur du bois, coiffé d’un toit aux lignes géométriques, une canopée protectrice qui murmure une promesse d’intimité à l’abri des caprices du ciel. Cet espace, une invitation à se retrouver, à partager un instant. Assises singulières, dialogues pluriels Tel un pliage audacieux, le projet Up & Down est un jeu de lignes et de hauteurs. Ces chaises en métal laqué, aux angles vifs et à la forme épurée questionnent avec simplicité notre relation à l’espace restreint. De couleurs acidulées, elles se présentent telles des sculptures fonctionnelles à l’assise variable qui rythment l’environnement d’un brin de fantaisie. Conçue pour les terrasses du jardin du Musée des Beaux-Arts de Mons, la série de mobilier de BAM est une partition visuelle de lignes claires. Composée de chaises et de tables en métal laqué et en bois, son design minimaliste et robuste s’intègre avec une élégance discrète à l’architecture. La palette de couleurs vives de ce mobilier crée un contraste joyeux avec le décor, offrant aux visiteurs une parenthèse de convivialité. Pour l’entrée du centre culturel Les Brigittines, à Bruxelles, la série de chaises rouge vif My Place se déploie en constellations de repos. Loin d’une assise unique, ces pièces en acier laqué et en bois de frêne, aux hauteurs variées, se rencontrent pour tisser des liens. Chaque chaise, à la fois solitaire et partagée, est un point de connexion, un maillon d’un écosystème de convivialité qui s’inscrit au cœur de l’architecture de cette ancienne chapelle. Architectures vivantes : le dialogue des formes et des couleurs Comme une sculpture qui prend vie, Playing déploie une structure d’arches tubulaires en métal thermolaqué. L’œuvre, née d’un processus participatif, est une explosion de couleurs vives qui jaillit entre le vert prairie et le bleu céleste. En faisant écho aux arches du Grand-Hornu, la structure dialogue avec l’architecture du lieu, tissant un lien harmonieux entre histoire et contemporanéité. Plus qu’une simple aire de jeu, c’est une invitation à se mouvoir, à explorer, un signe joyeux qui inscrit un geste créatif et ludique au cœur de l’histoire du site. Pour ses Projets 105 et 48 – cités sociales du Peterbos à Anderlecht, Lucile Soufflet a transformé de longs couloirs d’accès anonymes en espaces lumineux et singuliers. En recouvrant les murs de carreaux de céramique, elle a créé un dialogue entre l’espace privé et le public. La palette de couleurs, générée à partir d’une photographie de la vue que l’on a depuis les étages, fait écho à l’environnement. Cette démarche de Lucile Soufflet n’est pas sans rappeler celle de l’artiste belge Jean Glibert. Tous deux sont des alchimistes de l’espace, convaincus que la couleur est bien plus qu’une simple surface : elle est le souffle qui anime l’architecture. Tandis que Glibert sculptait l’espace avec des aplats de couleurs franches, créant des tensions et des circulations, Lucile Soufflet emploie la couleur comme un murmure poétique. Puisée dans la lumière et les teintes du paysage environnant, elle se déploie sur les murs comme un souvenir, un fil délicat qui relie les étages et les âmes qui y vivent, et fait vibrer le quotidien. L’intime intérieur, entre laine et faïence Conçu avec le studio Chevalier Masson, Altopiano se déploie à la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP) comme un paysage intérieur. Cette chaîne de montagnes modulable, faite de laine et de mousse, invite à réinventer l’espace en continu. Offrant une flexibilité totale, il peut devenir une île de détente ou un espace de travail informel. Ce refuge poétique est un hymne à la fluidité et à la convivialité, et répond ainsi aux besoins d’un public nomade, en quête de partage et de créativité. Dans cet intérieur intime, s’invite une collection de pièces plus modestes, parfois encore à l’état de prototype, où le savoir-faire artisanal se mêle à une approche délicate et personnelle du design. Ce Plat à la rose creuse, pièce de faïence délicate, révèle un savoir-faire méticuleux. Son émail fin et ses bords soignés, la finesse de son motif ajouré de multiples perforations, expriment une attention à la matière qui le transforme en un objet de poésie. Faisant désormais partie de la collection permanente du Musée Royal de Mariemont, il nous invite à nous approcher pour admirer la délicatesse d’une forme qui raconte l’histoire d’un geste. En collaboration avec le centre Keramis de La Louvière, le Service pour Royal Boch est un dialogue délicat entre mémoire et contemporain. Lucile Soufflet a créé un ensemble de huit tasses, chacune portant dans la courbe de son anse l’écho d’un modèle historique de la collection des anciennes faïenceries. Ce service délicat est une exploration minutieuse de la forme et de la fonction, où chaque objet raconte une histoire et se fait le confident de son passé. REVIEW BOOMBARTSTIC L’exposition Common Grounds de Lucile Soufflet s’impose comme une invitation sensible à s’attarder sur les liens entre l’individu et son environnement. La scénographie, conçue par la designeuse elle-même, élève le mobilier urbain au rang d’objets de pensée. Posées sur leurs plateformes inclinées, ces formes familières se détachent de leur contexte quotidien et dessinent un paysage abstrait qui invite à interroger leur fonction, leur présence, leur rôle dans nos vies partagées. Le parcours se déploie en deux mouvements complémentaires. Le premier, ouvert sur l’espace public, où bancs souples ou circulaires réinventent l’acte de s’asseoir et de se rassembler. Leur sobriété, leur rigueur et leur douceur rappellent combien un objet discret peut transformer silencieusement le visage d’une ville. La seconde partie, plus intime, dévoile les coulisses du geste créatif : maquettes, essais en céramique et en verre, fragments de recherche. De l’échelle monumentale à l’expérimentation la plus fragile, se dessine une cohérence qui tient à la même attention au corps, au geste, à l’autre. La force de Common Grounds réside dans ce va-et-vient entre l’objet et son processus, entre la forme et l’usage, entre le collectif et le personnel. Plus qu’une présentation de mobilier, l’exposition propose une réflexion sur l’art de vivre ensemble. Le quotidien s’y métamorphose en sujet de contemplation, sans jamais perdre son ancrage dans l’expérience humaine. Au cœur de l’œuvre de Lucile Soufflet, il y a cette volonté de créer des espaces où l’on puisse à la fois habiter, se rencontrer et rêver. Ses créations, qu’elles s’inscrivent dans la rue ou dans l’intimité d’un foyer, s’imposent par leur justesse et leur délicatesse. Elles n’imposent pas une esthétique, elles ouvrent un champ : celui d’une douceur partagée, d’un équilibre discret entre les corps, les formes et le monde. Lucile Soufflet, biographie expresse Née à Charleroi en 1975 Diplômée en design industriel de l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre en 1996. Sa recherche en design se concentre sur les relations humaines et l’interactivité dans l’espace public. Son travail oscille entre des créations monumentales pour l’espace urbain et des pièces plus intimes, en verre et céramique, réalisées en atelier. Reconnue pour sa capacité à transformer l’espace public à travers des assises qui invitent à la contemplation et au dialogue. Parmi ses projets les plus emblématiques figurent le Banc circulaire (Bruxelles, 2003), la série My Place pour les Brigittines et le Soft Bench. Son approche est souvent qualifiée de sensible et de poétique, cherchant à créer un dialogue entre l’utilisateur, l’objet et l’environnement. Elle a été faite chevalière du Mérite wallon en 2016 pour sa contribution à l’embellissement des espaces publics. 2025, « Common Grounds » au CID est sa première exposition monographique Lucile Soufflet Common Grounds CID – Centre d’Innovation et de Design Site du Grand-Hornu 82, rue Sainte-Louise 7301 Hornu jusqu’au 24 août 2025 du mardi au dimanche, de 10h à 18h www.cid-grand-hornu.be Lucile Soufflet, Soft Bench, 2008, acier laqué, TF Urban, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet – TF Urban, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, ZITT, 2024, acier laqué et robinier, TF Urban, commande du Bureau Bas Smets, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet – TF Urban, (c) photo Caroline Dethier, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Altopiano, 2018, acier laqué, maille en laine, polyamide, collaboration avec Chevalier Masson Studio pour la Cité internationale Universitaire de Paris (CIUP), exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, (c) photo Maxime Delvaux, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, BAM, ensemble de tables et chaises, 2024, acier laqué, command du Musée des Beaux-Arts de la Ville de Mons, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, service pour Royal Boch, 2006, faïence, commande de Boch Keramis, La Louvière, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Circular Bench, 2003, acier, TF Urban, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Circular Bench, 2003, acier, ville de Mulhouse, France, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Furniture with a Roof, 2018-2024, acier laqué et robinier – Recyclart, commande du MAD Brussels et de la Ville de Bruxelles, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, (c) photo Caroline Dethier, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, My Place, 2008, bois et acier laqué, commande des Brigittines, Bruxelles, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Projets 105 & 48, 2008-2015, intervention artistique dans les logements sociaux du Peterbos à Bruxelles, vue de l’exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, (c) photo Eric Mabille, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Playing, acier laqué, commande du CID au Grand-Hornu, dans le cadre du projet Story Tooling promu par Creative Europe, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, (c) photo Caroline Dethier, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Plat à la Rose creuse, 2004, porcelaine ajourée, série limitée 3 exemplaires, commande du Musée Royal de Mariemont, collection permanente du musée, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, courtesy Musée Royal de Mariemont, Boombartstic Art Magazine Lucile Soufflet, Tubi Vase, 2024, verre, exposition Common Grounds, CID, site du Grand-Hornu, 2025, (c) Lucile Soufflet, Boombartstic Art Magazine Auteur Eric Mabille "J’adore bouger et mon rapport à l’art est dans le mouvement, l’instinct et l’instant et ce depuis toujours. J'aime ce côté spontané, libéré de toute connaissance préalable, en vrai autodidacte. J’apprécie aussi pleinement le moment privilégié d’une preview presse, où seul dans une salle d’exposition, j’ai cette impression d’avoir toutes les œuvres pour moi. » Eric Mabille est diplômé en marketing, passionné de web, spécialisé en gestion de projets culturels et en marketing de destination et de niche. Il fréquente depuis plusieurs années l’atelier de dessin et les cours de chant lyrique à l’Académie de Saint-Gilles.