Plongée dans l’univers fusionnel de l’art et de l’engagement. L’exposition René Iché, ‘L’Art en Lutte’ : quand la matière sculptée devient un cri silencieux contre l’oppression, une manifestation de la résistance et une quête de liberté. A voir à La Piscine de Roubaix jusqu’au 03 septembre 2023.

L’artiste engagé du XXe siècle, René Iché, reprend vie à travers l’exposition captivante ‘L’Art en Lutte’ coproduite par la Piscine de Roubaix, le musée Toulouse-Lautrec à Albi et le musée des Beaux-Arts de Quimper. Un univers solide mais poétique, à l’expressionnisme simple, brut et parfois brusque. L’art s’y fait engagement. Les deux se rejoignent pour former une œuvre intemporelle, illustrée par des sculptures puissantes qui témoignent des bouleversements du XXe siècle.

Lorsque l’art et l’engagement se rencontrent, naît une puissante expression artistique. L’artiste René Iché, bien que moins célèbre que certains de ses contemporains, se révèle comme un maître de la sculpture moderne et un défenseur ardent de ses convictions. Il en émane ce supplément d’âme qui a façonné des œuvres – réponses aux événements de son temps, les deux conflits mondiaux et leurs séquelles, la guerre d’Espagne et Guernica.
C’est une exploration de l’engagement profondément ancré dans l’art, un voyage à travers les différentes facettes de la vie et de la carrière de René Iché, y compris son lien avec Charles de Gaulle à travers l’œuvre emblématique ‘La Déchirée’.

René Iché, artiste aux multiples facettes, se distingue par son engagement inébranlable envers la justice et la liberté. À travers ses sculptures, se construit la résistance aux horreurs du monde.

René Iché, L’art en Lutte

Peu à peu le visiteur s’invite dans une histoire, un parcours chronologique en quatre sections.

On y découvre un René Iché dans l’intimité de son atelier, de son cercle amical et familial. René Iché a donné vie à des portraits psychologiques d’une grande sensibilité. Ses sculptures témoignent d’un attachement profond envers ses modèles, qu’ils soient ses amis-poètes ou ses proches, comme sa compagne Renée et ses filles.

Littérature et Poésie colorent son art. Ses liens avec les avant-gardes littéraires parisiennes, comme avec Guillaume Apollinaire, influencèrent sa démarche artistique. Des œuvres telles que « Inconnue de la Seine » incarnent avec finesse cette fusion unique entre littérature et sculpture.

Dans l’arène du conflit, l’artiste prend position et s’engage à travers ses créations, utilisant son art comme une arme contre la montée du fascisme en Europe. Les sculptures de cette période portent en elles le poids du déchirement apocalyptique causé par la guerre et la douleur qu’elle engendre. Iché s’empare du tragique, dissimule des armes dans les socles de ses sculptures, transformant son atelier en un lieu de résistance silencieuse.

Après le conflit vient l’indispensable besoin de mémoire, l’instant des monuments. La dernière salle de l’exposition fait état de tous ses projets monumentaux dédiés aux Résistants qui, bien que certains n’aient jamais vu le jour, révèlent dans une série de plâtre toute leur force solennelle, captant avec une profonde émotion la tragédie de la Résistance combattante et de la déportation, immortalisant de manière inoubliable la mémoire de ces événements.

René Iché, les lutteurs

Au cœur de cette exposition, ‘Les Lutteurs’ symbole puissant et ancré de la lutte. Iché se souvient Le des combats corps à corps à Verdun. Matiéristes et lourds, deux corps sculptés s’entrelacent, incarnation des luttes physiques et de celles qui se gagnent pour un idéal, l’union avant la désunion . Symboles d’une époque tourmentée, ces sculptures incarnent l’âme-même de l’artiste, un homme en perpétuelle lutte pour défendre ses valeurs et sa vision de la France.

René Iché, les Femmes Sculptées et fibre féministe

Au début, il y a ces femmes aux courbes simplifiées, aux lignes claires, héritage 19ème de Maillol. Puis les portraits de famille, sa femme, ses filles.

Viennent ensuite d’autres sculptures féminines porteuses de la condition des femmes dans l’entre-deux siècles. Allégorique, ‘La Déchirée’, sculpture réalisée pendant la Seconde Guerre mondiale. Une femme qui se cache les yeux, Marianne aveugle qui se dresse, le bras levé en guise d’appel à l’aide ou de victoire face à la France collaborationniste de l’époque. Elle sera envoyée à Londres pour être offerte au Général De Gaulle

Plus loin, ‘Le Couple ou Le Viol’ de René Iché mérite une attention particulière. Sculpture bouleversante, elle représente une femme vulnérable, subissant un acte de violence. Sculpter pour dénoncer. René Iché met en lumière l’acceptation largement partagée à l’époque des violences et des viols conjugaux. Une prise de position affirmée et bien en avance sur son temps.

René Iché, Art et Guerre : L’Impact de Guernica

Le bombardement de Guernica en 1937 a marqué René Iché de manière profonde. Son interprétation artistique de cet événement tragique est une sculpture saisissante d’un enfant squelette debout, qui évoque l’art mexicain, donnant l’effet d’un trompe-la-mort face au drame. Cette œuvre, tout comme le tableau de Picasso, nous rappelle la capacité de l’art à témoigner de l’histoire et à susciter l’émotion. Elle est installée au cœur d’une installation avec d’autres artistes, dont ‘La femme qui pleure’ de Picasso et des tableaux de mères aux intestins sanglants de Jean Lasne, créant un ensemble saisissant.

René Iché, Artiste Engagé Socialement

L’engagement de René Iché ne se limite pas à ses sculptures. Il a été un ardent défenseur des droits sociaux des artistes, contribuant à la création du syndicat des artistes et plaidant pour les droits d’auteur. Son désir de libérer les artistes de la dépendance aux commandes publiques l’a poussé à s’impliquer activement dans la défense de ses pairs.

René Iché, l’émotion sculptée transcende le style

René Iché a apporté une contribution significative à la sculpture du XXe siècle. Son style artistique, fortement influencé par son mentor, Antoine Bourdelle, se caractérise par un réalisme expressif et un souci du détail. Iché a su combiner une maîtrise technique exceptionnelle avec une profonde émotion, créant des sculptures qui touchent l’âme du spectateur. Ses œuvres témoignent de sa capacité à capturer l’essence de ses sujets, que ce soit dans la représentation de la douleur des femmes, de la lutte pour un idéal, ou des horreurs de la guerre.

René Iché préfère la taille directe, travaillant la matière brute avec une rusticité rappelant un tailleur de pierre. Contrairement à la tendance de l’époque, Iché reste réfractaire à la sculpture d’assemblage.

L’exposition souligne également sa relation toute artistique avec les surréalistes, notamment les poètes Paul Eluard et André Breton. En témoignent ces deux masques-empreintes de leurs visages en plâtre, capturant ainsi leur essence. Reposant côte à côte, à la frontière entre réalité et rêve, entre le monde et l’évocation d’un autre, cheminement si cher au mouvement surréaliste.

René Iché, le devoir de mémoire

Outre ses sculptures, René Iché s’est également distingué par ses projets de monuments commémoratifs. Ses créations, telles que le Monument aux Morts de Salses-le-Château et le Monument aux Fusillés de Châteaubriant, témoignent de sa capacité à transformer des concepts abstraits et allégoriques en œuvres concrètes et émotionnelles. Ces monuments sont des rappels poignants de l’histoire et de la mémoire collective, et ils incarnent l’engagement de l’artiste envers la préservation de la mémoire.

René Iché, la REVIEW BOOMBARTSTIC

En parcourant l’exposition « L’Art en Lutte, » nous plongeons dans l’univers complexe d’un artiste qui a su mêler l’art et l’engagement de manière exceptionnelle. Ses sculptures sont bien plus que des formes en bronze ou en pierre ; ce sont des témoignages de son époque, des cris silencieux contre l’injustice et des symboles de la lutte pour un idéal.

Alors que nous explorons les différentes sections de cette exposition, nous sommes invités à réfléchir à la puissance de l’art en tant que moyen de résister et de témoigner de l’histoire. ‘L’Art en Lutte’ est une exposition qui nous rappelle que l’art peut être bien plus qu’une simple expression esthétique ; il peut être une arme pour le changement social et politique.

Les commissaires Rose-Hélène Iché – petite-fille de l’artiste et Nicolas Pujol – responsable des Archives René Iché, tous deux investi dans la revue Surrealismus, comme respectivement directrice éditoriale et directeur, exhume l’histoire personnel d’un homme qui se fait art, là où une page d’histoire de l’art quelque peu oubliée se fond dans la grande histoire. Dans ce qui est sens, dans ce qui en fait l’essence. René Iché sculpte l’engagement pour y capturer l’âme de la lutte.

René Iché – BIO expresse:

• 1897 : Naissance de René Iché à Sallèles-d’Aude (France)
• 1914 : S’inscrit à l’École des Beaux-arts de Montpellier et remporte le prix du dessin de l’Académie
• 1915 : S’engage volontairement dans la Première Guerre mondiale et est hospitalisé en 1918 pour raison de blessures de guerre
• 1921 : S’installe à Paris et s’inscrit à l’École libre des Sciences Politiques
• 1922 : Entre dans l’atelier privé d’Antoine Bourdelle
• 1940 : S’engage dans la Résistance et cache des armes dans ses sculptures
• 1943 : sa sculpture ‘La Déchirée’ est remise au Général de Gaulle
• 1953 : Reçoit le Grand Prix des Beaux-arts de la Ville de Paris
• 1954 : Décède à Paris
• Figure importante de la sculpture française de l’entre-deux-guerres
• Défenseur des droits sociaux des artistes, contributeur à la création du syndicat des artistes, plaidoyer pour les droits d’auteur

 

René Iché
L’Art en Lutte
La Piscine
24 rue des Champs
59100 Roubaix
jusqu’au 03 septembre 2023
du mardi au jeudi, de 11h à 18h
vendredi, de 11h à 20h
week-end, de 13h à 18h
https://www.roubaix-lapiscine.com/