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Marcel Berlanger, Pluvial Protocol, la notion de pluie, chez Rodolphe Janssen

Marcel Berlanger, Pluvial Protocol, la notion de pluie, chez Rodolphe Janssen

La Galerie Rodolphe Janssen accueille en ses murs, ‘Pluvial Protocol’, la troisième exposition de Marcel Berlanger. Un opus qui réunit une série de peintures récentes autour de la retranscription picturale, esthétique et dynamique de la notion de pluie. A voir jusqu’au 08 juillet 2023.

‘Pluvial Protocol’, un titre d’exposition qui annonce sans détour son intention en réunissant l’évocation dynamique de la pluie comme phénomène météorologique et sa déclination plastique née directement d’un processus de travail devenu protocole.

Depuis ses débuts, l’œuvre de Marcel Berlanger est une interrogation sur l’apparition de l’image dans un monde qui en déborde et nous en bombarde. Questionner le statut de l’image aujourd’hui, alors qu’on ne sait plus très bien ce qu’elle est, avec son peu d’homogénéité, ses perpétuels traitements, transformations et mutations. Les peintures de Marcel Berlanger se veulent l’expression de cet état des choses.
En s’arrêtant à la surface plus qu’en plongeant dans la masse, il nous invite à un arrêt sur images pour en envisager leur origine et leur fabrication. Derrière chacune d’elles se cache un jeu de construction, d’apparition véritable du motif et de la figure.

Marcel Berlanger, les images et la ‘mise à carreau’

A la base de son travail : des photos, gravures que l’artiste rassemble, thésaurise.
Des images figuratives classées, répertoriées par thèmes dans des classeurs. Marcel Berlanger ne peint pas sur le motif mais reproduit méticuleusement des photographies qu’il a prises lui-même ou des images qu’il a trouvées dans la presse, sur Internet, voire dans des planches dessinées d’ouvrages didactiques.

Berlanger peint à partir d’images existantes selon la technique de report dit de la “mise au carreau ” qui consiste à diviser l’image à reproduire en carreaux et à les reporter, un à un, à l’échelle choisie. Une technique connue depuis la plus haute Antiquité, disparue avec l’avènement de l’art moderne qui l’a jugeait trop académique. Se distinguant de ses prédécesseurs, Berlanger laisse ce carroyage initial dessiné au crayon sur la couche de base, apparent, parfois subjacent.

Case après case, à partir de la photographie choisie en exemple, de gauche à droite, presque machinalement, l’image se compose, laissant la partie inférieure du tableau à découvert, sur la réserve pour en révéler la construction.

Marcel Berlanger, la peinture en miroir entre profondeur et surface

La singularité chez Marcel Berlanger, c’est cette technique personnelle – qu’il utilise depuis près de trente ans – de peindre sur des couches blanches de panneaux en fibre de verre normalement utilisées pour la construction de bateaux, d’avions et de design industriel.

Un support alliant rigidité et souplesse, imbibé de résine synthétique de polyester, et qui, en surface prête à l’illusion d’une reproduction photographique par sa texture apparente et tactile caractéristique au rendu presque pixélisé. Sa structure visuelle nette, nervurée et granuleuse donne à la toile son épaisseur, sa profondeur et sa luminosité souligné par des jeux de transparence.

Une trame favorisant cette impression diffuse des éléments peints qui naît de nos déplacements face aux œuvres, selon qu’on s’en éloigne ou s’en approche.

Marcel Berlanger…évoquer la pluie

Son choix de la thématique de la pluie, Marcel Berlanger l’inscrit dans la continuité de ses peintures de ‘mers déchaînées réalisées précédemment. Pour ancrer ce phénomène, Berlanger pense à Monet, à ses Nymphéas, à leurs formes rondes, à leurs feuilles en aplats verts flottant sur les étangs, les assimilant aux ronds, aux ondes circulaires que fait la pluie quand elle les heurte en surface, seul moment où elle trouve sa réalité picturale. De là est née la série ‘Pluvial Protocol, l’idée des tableaux de pluie.

Travailler avec le nénuphar, c’est travailler à la surface de l’eau, là où il vient se positionner, là où il vient la matérialiser de sa feuille ronde. Le nymphéa révèle l’horizontalité, quand le saule inscrit la verticalité, pleureur, comme tombe la pluie.

L’exposition est aussi une irruption atmosphérique dans l’imprévisibilité du monde naturel, quand sa maîtrise nous échappe. Elle ne peut faire l’impasse de l’idée du climat et de ses variations, se penchant sur la manière dont la pluie affecte les émotions humaines, leurs manières s’abriter, leur travail, leurs relations au monde et aux catastrophes diluviennes.

Peindre la surface de l’eau, c’est aborder également le sujet du reflet. Surface de l’eau, surface sensible, absente rendue visible quand elle reflète d’autres objets.

Ainsi naît sur toile ce brouillage vertical qui simule une pluie tombante.
Berlanger parvient à évoquer des gouttes de pluie qui tombent sans chercher à les peindre.
Les lignes perpendiculaires de subdivision de sa toile en carreaux s’inclinent légèrement vers l’oblique, générant une pluie devenue résultante de son processus de travail. Les gouttes d’eau sont lignes de légère absence de peinture, qui strient la toile entre deux surfaces, celle de la peinture et celle de l’eau.

Marcel Berlanger, l’acte pictural

Berlanger aime expérimenter et proposer ses variations sur un même thème. Sa peinture bannit délibérément la reproduction fidèle et linéaire, le geste pictural, la touche romanesque, lui préférant une approche anti-expressive, presque scientifique dans laquelle la structure de grille sous-jacente n’est pas cachée.

Une démarche qui accepte le non-fini – avec certaines cases non remplies – et l’iconoclaste en cinglant ses compositions d’un tag graffiti vif.
Ses peintures se retrouvent souvent divisées en deux registres superposés, celui du haut où prend place l’image, celui du bas où demeure la réserve blanche, abstraite, floutée, des effets de zoom ou un coup de pinceau gestuel. Berlanger nous montre une image dans tous ces états qui n’en sont en réalité qu’un.

L’image apparaît par filtre, avec ses éléments de rupture, dans les discontinuités chromatiques et les changements de couleurs, ce qui permet à la peinture de citer les arts numériques et la pixellisation vibratoire des images sur écran ou moniteur vidéo.

Les images peintes de Berlanger, lovées dans une indétermination temporelle et de lieu, deviennent prototypales, matricielles, déclinées mais identifiables, indexées dans des registres, comme une nomenclature ou un vocabulaire lié au sujet figuré.

Elles s’inscrivent sur un support tendu sur une structure tangible : la fibre de verre déposée sur son cadre en aluminium. Une structure-armature qui ne se cache pas, libérant un jeu de translation fond/forme, avant/arrière, découpage/montage, sujet/backstage. Entre support originel d’où l’image est issue à la toile qui l’accueille.

Marcel Berlanger, l’œuvre en espace

Une fois dans l’espace d’exposition, les peintures suspendues aux cimaises de la galerie selon une mise en scène bien précise, activée par sa relation aux spectateurs, dépassent leur statut de simples représentations pour devenir vecteurs d’une idée, d’une notion déclinée. Une expérience picturale qui joue sur les variations de strates, qui se révèle entre proche et lointain. Tout est dans le regard du spectateur, dans son choix de voir à travers, de voir au-delà.

En reprenant ce même sujet ou motif qu’est la pluie, Marcel Berlanger en fait naître les échos, des répliques, des réverbérations synonymes qui se propagent en surface, sur la toile comme des ronds dans l’eau qui éclosent à la lumière.

Marcel Berlanger, BIO expresse

Marcel Berlanger est né à Bruxelles, en 1965.Il vit et travaille à Bruxelles.
Très jeune, il apprend la peinture avec son grand-père, le peintre amateur Walter Hasseweer. Son père, Gérard Berlanger, agronome en cultures tropicales, lui donne le goût de la botanique.
Il fait ensuite ses études à Saint-Luc et à l’Ecole de Recherches Graphiques (ERG), à Bruxelles, de 1984 à 1988. Fort de ces bagages techniques et intellectuels, Marcel Berlanger se forge rapidement un langage pictural propre, vite remarqué.

 

Marcel Berlanger
Pluvial Protocol
Rodolphe Janssen
32, rue de Livourne
1050 Bruxelles
Jusqu’au 8 juillet 2023
Du mercredi au vendredi de 10 h à 18h
et le samedi de 14h à 18h
www.rodolphejanssen.com

Retrouvez mes chroniques d’expositions en GALERIES

 

Marcel Berlanger
Marcel Berlanger, Canal, 2023, acrylique et huile sur fibre de verre montée sur cadre en aluminium, exposition Pluvial Protocol, 2023, Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) courtesy Marcel Berlanger et Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) Hugard & Vanoverschelde, Boombartstic Art Magazine

 

Marcel Berlanger
Marcel Berlanger, Toujours autant de pluie chez moi, 2023, acrylique et huile sur fibre de verre montée sur cadre en aluminium, exposition Pluvial Protocol, 2023, Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) courtesy marcel Berlanger et Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) photo Hugard & Vanoverschelde, Boombartstic Art Magazine

 

Marcel Berlanger
Marcel Berlanger, Intempérie, 2023, acrylique et huile sur fibre de verre, monté sur cadre en aluminium, exposition Fluvial Protocol, 2023, Rodolphe Janssen, (c) courtesy Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) photo Hugard & Vanoverschelde, Boombartstic Art Magazine

 

Marcel Berlanger
Marcel Berlanger, Salix « tristis », 2023, acrylique et huile sur fibre de verre montée sur cadre en aluminium, exposition Pluvial Protocol, 2023, Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) courtesy Marcel Berlanger et Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) photo Hugard & Vanoverschelde, Boombartstic Art Magazine

 

Marcel Berlanger
Marcel Berlanger, exposition Pluvial Protocol, 2023, vue de l’exposition, Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) courtesy Rodolphe Janssen, Bruxelles, (c) photo Hugard & Vanoverschelde, Boombartstic Art Magazine

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