Published 9 mai 2025 Commentaires 0 Commentaire Par Eric Mabille Tags Catherine FrançoisLivre d'artPrisme Editionssculpture contemporaine Catherine François : sculpter la mémoire du monde, chez Prisme Editions Il est des artistes dont l’œuvre semble naître non pas d’une impulsion instinctive, mais d’un dialogue intime avec les éléments. Catherine François est de celles-là. Prisme Editions lui consacre une très belle monographie. Sculptrice belge, née à Bruxelles en 1963, elle crée dans l’écoute du monde, dans la contemplation patiente des forces naturelles et des traces qu’elles laissent sur les choses. Son travail n’impose rien : il révèle, il accompagne, il rend visible ce que la mer, le vent, le feu ont déjà commencé à façonner. Le livre Catherine François, édité chez Prisme Éditions, est une respiration. Un beau livre à la couverture sobre, presque minérale, qui semble déjà porter la poussière du bronze, le sel du vent. Dès l’ouverture, une question muette s’élève, comme un ressac intérieur : que reste-t-il de l’humain quand il s’efface devant la nature ? Dans ces pages silencieuses, un monde s’ouvre, où chaque sculpture devient trace, vestige, mémoire en devenir. L’ouvrage nous emmène dans l’univers tellurique de l’artiste qui travaille la matière comme une survivante. Organisé en séquences visuelles et textuelles, il alterne vues d’atelier, œuvres monumentales et détails sensibles. Le texte s’efface parfois devant les images, comme pour mieux laisser parler les formes. On découvre ses fameuses toupies hésitant entre verticalité arrogante et horizontalité , son ‘Tomorrow’s Man’ offert aux vents et aux vagues sur son brise-lames à Knokke-le-Zoute, ses hélices figées dans le bronze, ses pièces composites mêlant verre, bois flotté et résine. Le livre donne à voir une pratique traversée par la mer, la mémoire et le geste. Catherine François, le geste, matière vivante Chez Catherine François, l’acte de sculpter relève d’un instinct, d’une urgence corporelle. Elle récupère les rebuts que la mer rejette – bois flottés, morceaux de plastique, fragments métalliques, filets, conglomérats organiques – pour leur offrir une seconde vie. Non pas les transformer, mais les intégrer, les honorer dans une composition nouvelle qui mêle bronze, verre, résine, cire et parfois même textile. Elle ne cherche pas à dompter la matière : elle l’accompagne dans son devenir, elle écoute ses accidents, accueille ses fêlures. La main de l’artiste agit avec cette humilité du vivant, ce respect des formes parfois nées d’elles-mêmes. Une expression née du monde L’univers artistique de Catherine François se nourrit de la mer, de la terre, du vent et du feu. Loin d’une simple imitation, sa démarche relève du biomimétisme : elle observe la nature pour en intégrer les lois, les rythmes, les effets. Ainsi, son travail du bronze à la cire perdue évoque l’érosion éolienne. Le chalumeau devient vent brûlant, l’empreinte du verre en fusion se fait vague figée. Elle sculpte la disparition, le passage du temps, les blessures et la résistance. Les formes sont épurées – parfois proches de celles d’Henry Moore ou de Constantin Brancusi, mais toujours profondément personnelles. Ses portraits hybrides, plus brutes, confrontent les éléments qui les composent dans un viscéral à la Bacon. Elles racontent une histoire : celle d’une nature blessée mais souveraine, d’un humain redevenu fragile, d’un monde en mutation. Son œuvre phare Tomorrow’s Man, sculpture en bronze placée sur un brise-lames, par deux fois rejeté par la nature, en est le symbole. Un corps masculin, creusé, penché sous la force des éléments, comme offert aux marées – et à l’avenir incertain qu’elles charrient. Un art de la résonance Ce qui frappe dans l’approche de Catherine François, c’est cette volonté de laisser parler les choses. Dans son atelier niché au bord de la Forêt de Soignes, elle dessine, modèle, assemble sans jamais trahir l’élan premier. L’émotion guide la main, mais c’est le silence qui l’affine. Elle collectionne, dès l’enfance, objets trouvés et esquisses, morceaux de nature et fragments d’imaginaire. Rien n’est perdu, tout est souvenir en attente d’incarnation. Ses œuvres sont aussi des seuils : entre figuration et abstraction, entre force et fragilité, entre mouvement et immobilité. Les disques, hélices, ondes, corps ou ailes qu’elle sculpte évoquent une mythologie nouvelle, post-anthropocène, où l’humain n’est plus le centre, mais un fragment parmi d’autres. C’est une œuvre qui interroge sans asséner, qui murmure plutôt qu’elle ne proclame. Techniques et matériaux, au service de la fluidité Dans sa recherche d’un langage sensoriel, Catherine François explore de nombreuses techniques : la terre, la céramique, la cire, le bronze, le verre. Elle apprend le modelage dès l’enfance, découvre la fonderie aux côtés de l’artiste Paula Swinnen, et adopte la fonte à la cire perdue comme un mode d’expression à part entière. Chaque matériau est choisi pour sa capacité à évoquer l’éphémère, l’empreinte, l’équilibre précaire. L’organique, le minéral et le mécanisme y coexistent dans une étrange harmonie. La série ‘Waves’ illustre cette quête : le bronze y imite les rides du sable à marée basse, et la résine bleue évoque l’eau disparue. La nature ne disparaît jamais : elle se transforme. L’artiste, elle, accepte de lâcher prise, de laisser la matière poursuivre sa propre logique. Ainsi, la sculpture devient un espace de cohabitation entre intention et accident, entre désir de forme et émergence du vivant. Lecture sensible : mon regard sur ce livre Il y a quelque chose de l’enfance dans le travail de Catherine François. Pas l’enfance naïve, mais celle, ancienne, tapie, viscérale, liée à la terre et à l’eau. Lorsque je parcours ces pages, je sens le froid du métal, la chaleur du feu, la caresse du vent sur des sculptures polies par les éléments. Ce que j’aime chez elle, c’est cette capacité rare à faire dialoguer le brut et le sensible. Dans cette archéologie du futur : des formes presque humaines, comme échappées d’un monde disparu, où l’organique et le mécanique s’épousent dans une danse lente. On sent la lutte, le combat même, entre la matière et le souffle créateur. L’accident devient intention, la fissure beauté. On pense au Kintsugi japonais, à cette façon de sublimer la cassure. Catherine François ne répare pas : elle révèle. Pourquoi lire ce livre Ce livre est pour les amateurs de sculpture incarnée. Pour ceux qui, comme moi, cherchent dans l’art un écho au vivant, une réponse à l’effondrement, une prière sans mots. Ce livre est une lecture à savourer lentement, comme on arpente une plage après la marée, à l’affût des fragments révélateurs. À ouvrir lors d’un moment suspendu, quand on a besoin de renouer avec le temps long, le temps des formes, le temps du monde, le temps du regard. Lire et regarder Catherine François, c’est faire l’expérience d’un art qui nous replace humblement au sein du vivant. Ses œuvres ne veulent pas séduire, elles cherchent à faire résonner. À rappeler que l’art peut être un acte de mémoire, une offrande à ce qui fut, et une prière adressée à ce qui adviendra. Son œuvre touche et semble être une invitation à toucher. Elle ne prétend pas sauver le monde, mais elle en recueille les traces avec tendresse et lucidité Catherine François, mini-bio Née à Bruxelles en 1963, Catherine François est une sculptrice belge qui explore les rapports entre nature, matière et mémoire. Autodidacte formée à l’Académie d’Etterbeek, elle pratique la sculpture comme un geste vital, à la croisée du figuratif et de l’abstraction. Son œuvre, exposée en Belgique et à l’international, se distingue par une approche biomorphique et poétique, nourrie de la mer, du vent et du feu. Elle est représentée par la Galerie La Forest Divonne Paris – Bruxelles. Catherine François Prisme Editions Année de parution : 2021 Auteurs : Guy Duplat et Stève Polus Langues FR – EN Format 24 x 30 cm Couverture cartonnée Nombre de pages : 224 ISBN : 978-2-930451-38-1 Prix : 49,50 € www.prisme-editions.be Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) photo Prisme Editions, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Tomorrow’s Man, 2009, bronze, 13 x 90 x 200 cm, Knokke-Le-Zoute, Belgique, Livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo Marc Thomé, Boombartstic Art Magazine Catherine François, vue de l’atelier, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) photo Alain et Nathalie Speltdoorn, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Dzorg, bronze, 230 x180 x 400 cm, 2018, collection particulière, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, Boombartstic Art Magazine Catherine François, ensemble de toupies avec la Grande Toupie Male, bronze, 2015, H.200 cm, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) photo Alain et Nathalie Speltdoorn, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Greenman – Waterman, bronze et résine, 23 x17 x21, 2021, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo Alain et Nathalie Speltdoorn, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Mada 1, Mada 2, Mada 3, bronze, 18 x18 x 98 cm, 2007, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo courtesy Prisme Editions, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Screen, bronze et résine, 2019, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo Alain et Nathalie Speltdoorn, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Tête Vieille Blanche, 2021, bronze, 20 x 20 x 40 cm, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo Alain et Nathalie Spletdoorn, Boombartstic Art Magazine Catherine François, vue de l’exposition Waves, 2019, galerie La Forest Divonne, Bruxelles, (c) Catherine François, (c) photo courtesy Galerie La Forest Divonne Bruxelles – Paris, Boombartstic Art Magazine Catherine François, Vibration, 2012, bronze, applique murale, 100 x 38 x 20 cm, livre Catherine François, Prisme Editions, 2021, (c) Catherine François, (c) photo courtesy Prisme Editions, Boombartstic Art Magazine Auteur Eric Mabille "J’adore bouger et mon rapport à l’art est dans le mouvement, l’instinct et l’instant et ce depuis toujours. J'aime ce côté spontané, libéré de toute connaissance préalable, en vrai autodidacte. J’apprécie aussi pleinement le moment privilégié d’une preview presse, où seul dans une salle d’exposition, j’ai cette impression d’avoir toutes les œuvres pour moi. » Eric Mabille est diplômé en marketing, passionné de web, spécialisé en gestion de projets culturels et en marketing de destination et de niche. Il fréquente depuis plusieurs années l’atelier de dessin et les cours de chant lyrique à l’Académie de Saint-Gilles.