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Anne Marie Laureys, la céramique, au souffle de vent

Cap vers La Verrière, espace d’exposition de la Fondation d’entreprise Hermès à Bruxelles, pour découvrir ‘Bise, le solo show de la céramiste belge Anne Marie Laureys. A voir jusqu’au 29 juillet 2023.

Et c’est naturellement ici, à l’arrière de la boutique, dans cet espace baigné d’une lumière zénithale, que prennent place des œuvres délicates et virtuoses à la surface poudrée et veloutée, d’une pureté délectable. Portée par une mise en espace dynamique et aérée, cette première exposition de l’artiste à Bruxelles, rassemble des œuvres existantes et de nouvelles productions aux tonalités subtilement estivales.

Anne Marie Laureys, tableaux d’une exposition

 

Des pièces posées en cercle, sur des socles d’atelier – divers, bruts parfois usés – composées par une artiste fascinée par ce contact avec la matière. Au départ, le protocole répété d’une production de contenants, de pots et d’éléments de vaisselle qu’Anne Marie Laureys façonne dans la glaise, et réveille ensuite de leur silence utilitaire, en leur faisant emprunter le chemin de la sculpture. Ainsi donc, une série de créations mi figuratives – mi- abstraites émergent dans une douce mais vibrante intensité chromatique.

Le ton est donné. Pour cette deuxième exposition à La Verrière en tant que commissaire, Joël Riff donne toute sa visibilité à la pratique de céramiste d’Anne Marie Laureys, tout en faisant le choix de l’associer à trois autres artistes : Maude Maris, Auguste Rodin et Amélie Lucas-Gary. Fraichement nommé directeur artistique de la Verrière en janvier 2023, il renoue cette fois encore avec la forme expérimentale du ‘solo augmenté’ qu’il a initié : une exposition personnelle collective reposant sur des correspondances entre arts visuels, décoratifs et appliqués, fondant sa spécificité sur l’expérience de la matière.

A côté, une console dressée sur pieds tressés en céramique présente trois pièces plus anciennes témoignant de son savoir-faire plus artisanal construit sur les années. Issus d’un design d’intérieur : une cruche, une coupelle, un pot et son couvercle s’alignent comme pour rappeler que les céramiques d’Anne Marie Laureys demeurent des contenants, des récipients qui recueillent ses humeurs, les préservent ou les déversent.

Non loin de là, une échelle se dresse en une structure de mâts et barreaux à l’apparence baroque dans lesquels on ne peut s’empêcher de desceller la présence humaine.

Anne Marie Laureys, face à Maude Maris

 

A la palette vaporeuse et éthérée d’Anne Marie Laureys, répond, celle plus vive de Maude Maris, avec un alignement de cinq huiles sur toile. Sur canvas, des artefacts en céramique presque pétrifiés, extraits d’un imaginaire archéologique. Des fragments –coquillages sur fond bleu qui nous donnent à voir par leur volume et leur expression picturale presque photoréaliste, l’essence-même d’un monde marin reposant dans la quiétude de son fond, comme avec ces deux hippocampes reposant joue contre joue.

Anne Marie Laureys, face à Rodin, dans les mots d’Amélie Lucas-Gary

 

Ici, nous nous arrêtons un instant sur cette étreinte de bronze d’Auguste Rodin, élément discret des Âmes du Purgatoire ou Premières Funérailles – conçu pour sa célèbre Porte de l’Enfer -nous plongeant avec délice, l’espace d’un instant, dans la sculpture classique. Une petite sculpture, troublante de poésie, et ses trois corps nus enlacés venus rompre la continuité plastique et chromatique du cercle dessiné par les œuvres d’Anne Marie Laureys.

Avant qu’une autre artiste, Amélie Lucas-Gary, nous emporte hors les murs, avec son récit fiction compilé dans ce petit livre à disposition des visiteurs à l’entrée de l’espace d’xposition.

Anne Marie Laureys , geste artisan et tournoiements de terre

 

Comme la ‘Bise’, cette exposition nous touche. Anne Marie Laureys modèle des chairs sans figure et fait naître 26 pièces fougueuses, torsadées. Une série de formes composées aux volumes complexes, virtuoses, biomorphes éventrés comme des poteries, la panse gonflée, offerte à l’extérieur. Nuages de matière tournoyante, elles semblent apparitions textiles passagères, aux ondulations discontinues, revêtues de leur palette colorée sous une surface poudrée d’un émail velouré peau de pêche. On s’enthousiasme à maintes reprises de l’homonymie entre peau et pot.

Patiente expérience qui voit chaque œuvre se ramifier de mouvements en proéminences, assemblées à la barbotine, suspendues dans un subtil équilibre que seule une succession de cuisson viendra unifier.
Par touches consécutives, Anne Marie Laureys sculpte la poterie lui insufflant vie, esquissant la figure qui frôle l’apparence humaine là où les gestes de l’artiste ont laissé quelques empreintes de doigts qui les hissent vers l’émotion.

Anne Marie Laureys, l’ éveil d’un souffle

 

Anne Marie Laureys métamorphose des récipients et des gabarits de vaisselle bien faite en une lignée d’émanations dansantes. A la faveur d’une bise légère – ce vent du Nord qui balaie l’Europe – des concrétions figuratives s’élèvent dans un équilibre précaire proche de la haute voltige et d’un soupçon de vertige formel, entre ses mains de céramiste-potière, révélant leur esthétique alternative harmonieuse à la sensibilité toute personnelle.

Flexibilité de la terre humide, geste palpable, ‘métaphores des sensations’ et ode à l’asymétrie : l’argile en mouvement, sédiment des émotions du moment. Etirée, pincée, perforée, éventrée, déconstruite, l’artiste en dicte le moindre pli. En en questionnant le bord et les frontières de la contenance, la déformation s’impose comme fondement des expressions.

Délaissant le ‘faire beau’, ses œuvres s’émancipent dans la lenteur ou la vivacité de l’instant, vers un expressionnisme charnel, sensuel et viscéral proche du grotesque, même si elles arborent d’avantage la plastique minérale des grottes souterraines et celles des canyons érodés par les eaux, le sable et les millénaires.

Anne Marie Laureys, la review Boombartstic

 

Une magnifique invitation à la contemplation, un jour d’été, ici, dans cet écrin de verre qui cultive les bonnes expositions. De la précarité de l’informe lourd, la glaise se matérialise en contours harmonieux et poétiques. Avec délicatesse, Anne Marie Laureys laisse filer avec lenteur la matière entre ses doigts, portée par le mouvement circulaire de son tour, fusionnant dans ses œuvres, poterie traditionnelle et émancipation contemporaine. Au milieu d’un espace devenu toile, ses céramiques dansent en ronde sous la pleine lumière, dans un chatoiement atmosphérique de couleurs palpables et vaporeuses.

Anne Marie Laureys, la BIO expresse

 

  • Artiste céramiste. Spécialiste depuis quatre décennies de la technique du tour.
  • Née en 1962 à Beveren, près d’Anvers en Belgique.
  • Formée à la Hoger Kunst Instituut Sint-Lucas d Gand, diplômée en 1985.
  • Perfectionne sa pratique en réalisant des séries limitées d’objets de commande, avant de se consacrer à la sculpture à partir des années 2000.
  • Commence, à partir de 2009, à déstructurer la forme pour aller au-delà du contenant. Intègre alors des collections muséales en Europe, en Asie et aux États-Unis, dont récemment le Metropolitan Museum of Art (New York).

 

Anne Marie Laureys
Bise
La Verrière Hermès
50 boulevard de Waterloo
1000 Bruxelles
jusqu’au 29 juillet 2023
du mardi au samedi, de 12h à 18h
entrée libre
www.fondationdentreprisehermes.org

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, Sister Brainstorm, 2018, grès émaillé, exposition Bise, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Peter Claeys, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, vue de l’exposition Bise, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, Bruxelles, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Eric Mabille, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, exposition Bise, 2023, face aux peinture de Maude Maris, La Verrière, Bruxelles, (c) the artists, (c) photo Isabelle Arthuis, Fondation d’Entreprise Hermès, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, exposition Bise, Maude Maris, Hippocampes, peinture, La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès, Bruxelles, (c) Maude Maris, (c) photo Eric Mabille, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, Echelle, exposition Bise, La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Eric Mabille, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, vue de l’exposition Bise, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, Bruxelles, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Eric Mabille, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, Abundance of her Delicacies, 2021, grès émaillé, exposition Bise, La Verrière -Fondation d’entreprise Hermès, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Peter Claeys, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, exposition Bise, Auguste Rodin, Les Ames du Purgatoire ou Premières Funérailles, détail, bronze avec patine brune nuancée, avant 1889, La Verrière, Bruxelles, 2023, (c) photo Isabelle Arthuis, Fondation d’entreprise Hermès, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, vue de l’exposition Bise, La Verrière, Bruxelles, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Isabelle Arthuis – Fondation d’entreprise Hermès, Boombartstic Art Magazine

 

Anne Marie Laureys
Anne Marie Laureys, Suitable by Daylight, 2018, grès émaillé, exposition Bise, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, 2023, (c) Anne Marie Laureys, (c) photo Peter Claeys, Boombartstic Art Magazine

 

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Anne Marie Laureys, portrait, exposition Bise, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, Bruxelles, 2023, (c) photo AmandP, Boombartstic Art Magazine

 

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